Ce séminaire se propose d’examiner la mise en valeur des notions de témoignage et d’expérience en tant que fondements épistémologiques d’un savoir véridique sur les lointains au seuil de la modernité. Au cours de la Renaissance, l’étendue des découvertes géographiques engendre une prolifération sans précédent de récits de voyages qui diffusent un savoir renouvelé sur les ailleurs participant à la production d’un nouveau merveilleux et au processus de réévaluation des autorités. La frontière entre le crédible et l’incroyable tend à s’effacer dans la relation de voyage, laissant la place à une tension permanente entre la vérité et le mensonge, et cela d’autant plus que le public manifeste une méfiance proverbiale à l’égard de « ceux qui viennent de loin ». Le discours du voyageur apparaît dès lors comme le lieu privilégié du faire croire, divers procédés d’accréditation se trouvant mobilisés au service de la force probante du témoignage. En brandissant l’aphorisme aristotélicien, experientia est rerum magistra, les voyageurs au long cours plaident pour la prééminence du savoir empirique sur le savoir livresque, alors même qu’ils sont en réalité encore largement tributaires de ce dernier. Mais comment et suivant quelles opérations de validation le savoir sur le lointain se fabrique-t-il dans ces récits ? Comment s’opèrent, selon la formule proposée par Michel de Certeau, « la fabrication et l’accréditation du texte comme témoin de l’autre ». Quelles sont enfin les modalités de preuves mises en place par les voyageurs au sein de leur dispositif d’autorité textuel ? C’est à cette enquête sur les soubassements de l’autorité du discours viatique chez les voyageurs français que ce séminaire entend se livrer.