Duales, triples ou multiples, les images plurielles et articulées dont il sera question dans le présent séminaire constituent une création artistique privilégiée dans l’Europe de la Renaissance aussi bien du Nord au Sud que de l’Ouest à l’Est. Leur articulation n’est pas seulement physique (par la charnière métallique qui les unit) mais aussi symbolique. Indéfectiblement liées, la peinture et la sculpture des diptyques, triptyques et polyptyques établissent un dialogue soutenu avec le lieu qui les abrite : églises, chapelles, maisons privées. Le « lieu » illusionniste de l’image et le lieu physique de l’espace donnent à penser un autre rapport subtil entre sujet et objet, support et contenu, forme et fond, inerte et animé-mobile. Leur articulation – leur mise en mouvement et leur dévoilement progressif – est également symbolique en ce qu’elle propose, selon des codifications liturgiques ou de dévotion privée précises, tout simplement une autre notion du temps.

Le séminaire souhaite interroger l’aspect performatif, les expériences polysensorielles et les valeurs méta-discursives que ces images mettent en jeu. Il propose une immersion dans leur tridimensionnalité hybride : l’image articulée comme « formule de pathos » (Lankheit), comme « métaphore corporelle » (Rimmele) ou comme chronotope (Jacobs).

Il nous importera notamment de comprendre ce que le diptyque doit à l’art du livre et de suivre la maturation du retable, objet informé par la sacralité de l’autel dont il est le dérivé et qu’il finit par décorer (du lat. retro et tabularium, « le panneau de derrière l’autel »). Il s’agira également de suivre l’historique des productions, de comparer les spécificités régionales selon les centres de production tout en prêtant attention à la circulation des styles et des motifs. Afin de comprendre la façon dont la forme est elle-même porteuse de signification, une attention accrue sera accordée aux structures sémiotiques à l’œuvres et aux vertigineuses mises-en-abîme qui fondent et confondent délibérément fiction spatiale et réalité dévotionnelle. Investiguer cette profusion narrative, déceler les niveaux de sens, demande bien entendu une connaissance des perceptions sensorielles et du mode de voir et de croire de l’époque.