Pour que l’image soit « narrative », elle doit pouvoir exprimer visuellement à la fois une temporalité et une spatialité spécifiques, espace et temps étant intrinsèquement liés. La perspective géométrique est un concept culturel « inventé » à la Renaissance au point de devenir l’un de ses emblèmes. Si le terme et le concept existent déjà au Moyen âge, ce n’est qu’au XVe siècle que la perspective engendre une réflexion fondamentale sur l’image et acquiert, de ce fait, une dimension véritablement culturelle. La perspective en art étant en effet la projection d’un spectateur dans l’image, par son activité de regard, le sujet dans le sens moderne devient alors à la fois la mesure et l’agent de la représentation.  

Or, la mise au point de la perspective par les artistes et les théoriciens prémodernes – à commencer par Filippo Brunelleschi et Leon Battista Alberti – doit être pensée avec les antécédents historiques mais aussi les alternatives et les détournements de la perspective géométrique par des artistes confrontés à la spécificité des questionnement posés par l’image et ses potentialités narratives. Ce sont ainsi la multiplicité des approches et les solutions aux problèmes de la figuration d’un espace tridimensionnel sur une surface plane qui participent pendant la première modernité à la construction d’une histoire culturelle du regard.