Le « siècle des Lumières », surtout connu pour ses luttes contre les superstitions et l’obscurantisme, pour son culte de la raison et de la science, accorde tout autant d’importance à sensibilité, aux passions et aux larmes. La Religieuse, roman-mémoires de Diderot, en offre une illustration spectaculaire. À cheval entre les faits réels et l’écriture fictionnelle, l’histoire de Suzanne Simonin, enfermée contre son gré dans un couvent, permet d’appréhender le statut ambigu du roman au milieu du XVIIIe siècle, entre condamnation et fascination. Les infortunes tragiques de l’héroïne traduisent l’aliénation des êtres privés de leur liberté fondamentale, qui débouche sur une vive satire anticléricale. Diderot, philosophe matérialiste et politique, offre une œuvre subversive qui permet d’interroger les désirs, les liens entre le corps et l’âme, et la place des femmes dans une société considérée comme « éclairée ».