Comment penser le concept de « religion » aujourd’hui ? Assiste-t-on à la dissolution du religieux ou à son « retour » (voire à sa « revanche ») dans le contexte des mutations d’un monde globalisé ? Le religieux est-il réductible au politique, à l’économique, etc. ou bien l’inverse ? La religion est-elle désormais plus une affaire de pratiques que de croyances ? La religion assume-t-elle nécessairement une fonction politique de conservation de l’ordre social au sein d’une société donnée ?

Telles sont les questions posées par ce cours magistral qui, face aux enjeux contemporains, propose une investigation sociologique et anthropologique de la religion, appréhendée comme une dimension du social, dans le sillage des travaux de Marcel Mauss sur le don. Pour ce faire, le cours associe concepts analytiques (État, nation, « identité » politique, ethnique, etc.) et observations empiriques, portant principalement sur les régions musulmanes de l’espace post-soviétique (Asie centrale, Caucase). Cet espace représente un laboratoire à forte valeur heuristique afin d’observer les recompositions identitaires, articulées autour du religieux (notamment l’islam), sur la scène mondiale. Afin de dégager des éléments d’analyse visant à rendre compte du statut, de la nature et du rôle du religieux sur les scènes contemporaines de l’espace post-soviétique, le cours a pour objectif d’explorer la triangulation des acteurs État-religion-société. La religion est en effet un élément clé dans l’instrumentalisation de la nation (religion comme resacralisation de la nation éponyme), dans le quotidien ritualisé des populations locales (religion comme cure thérapeutique à travers les rituels chamaniques et/ou l’exorcisme islamique) et dans le rapport au politique (religion comme projet révolutionnaire de refondation de l’ordre établi). Le cours étudie ainsi, à travers les réemplois du religieux, la sortie définitive du cadre soviétique : le « postsoviétisme » et les espoirs placés en la souveraineté de l’État-nation comme salut collectif sont en effet obsolètes, la religion ayant remplacé la nation comme fondement sacré de l’ordre social.