Le corps accompagne, soutient notre existence avec une insistance telle
qu’on se demande jusqu’à quel point notre pensée n’en serait pas l’ombre
portée. Et pourtant, alors même que nous sommes notre corps plutôt que
nous l’avons, la philosophie s’est donnée pour tâche de le réduire. Il
est réfléchi comme le terme négatif, indigne, d’une opposition (à l’âme,
à la conscience, à la raison). Ce qui nous rend le monde visible est
devenu, aux yeux de la raison, dépourvu d’évidence. Aujourd’hui
pourtant, le corps est promu par nos sociétés de performance, de santé
et de spectacle : objectivé, érotisé, « augmenté ». Mais cette
exposition-exploitation du corps vaut épuisement de son sens. Il
s’agirait alors de se demander pourquoi ce corps demeure et
inexhaustible et, littéralement, incontournable. « On ne sait pas ce que
peut le corps », écrivait Spinoza, déplaçant la question philosophique
traditionnelle de l’essence vers celle de ses puissances et de ses
effets. Foucault tourne ce défi en question : « de quel corps notre
société actuelle a-t-elle besoin ? »
- Enseignant·e: Emmanuel Alloa
- Enseignant·e: Alessandro De Cesaris