Comment pense-t-on avec les images ? Quelle place tiennent les schémas, les croquis, les notations graphiques, les reproductions, les agencements de photographies, les séquences cinématographiques dans nos manières de comparer, distinguer, ordonner, analyser, mettre en récit les œuvres d’art ? La question est vaste, pour ne pas dire vertigineuse.

Or l’histoire de l’art, en tant que discipline vouée à l’étude des artéfacts visuels, offre un merveilleux terrain d’enquête pour interroger cette part non verbale de la production du savoir ? En effet, tout historien de l’art, depuis l’institution académique de l’histoire de l’art au XIXe siècle, est un manipulateur et parfois même un créateur d’images. Collectionneur de dessins, de gravures, de photographies ou de cartes postales, mais aussi dessinateur, peintre, photographe ou cinéaste, l’historien de l’art construit son objet d’étude en agençant des images recueillies au fil des voyages ou en produisant lui-même les représentations (graphiques, picturales, photographiques, cinématographiques) utiles à l’analyse des généalogies stylistiques, des configurations plastiques, des inventions formelles ou des significations figuratives sur lesquelles ils se penchent.

Pour comprendre comment les historiens de l’art travaillent, il ne suffit donc pas d’étudier leurs ouvrages, leurs réseaux intellectuels ou leurs visées théoriques, il faut ouvrir le trésor méconnu de leurs archives et de leur laboratoire visuel en s’efforçant de placer l’interrogation sur le plan de l’épistémologie. Quelle forme particulière de connaissance les outils visuels produisent-ils dans le travail de classification, d’analyse, d’expérimentation nécessaire à la construction d’une histoire des productions artistiques ?  Quels sont les avantages techniques des instruments employés par les historiens de l’art ? Quelles approches méthodologiques ces différents médiums favorisent-ils ? Quelles sont leurs fonctions phénoménologiques, cognitives, heuristiques ? Autant de questions que nous nous poserons dans ce séminaire pour déterminer la puissance singulière des instruments visuels parmi la multitude des opérations sensibles et intellectuelles auxquelles les historiens de l’art se prêtent.

Ce séminaire sera également l’occasion d’expérimenter devant les œuvres (visite du MAHF) par la pratique de dessin et de la photographie.