
Le droit et le système judiciaire ont pour vocation de contribuer à la prévention des conflits sociaux ainsi qu’à la résolution de ceux-ci. En effet, grâce à l’orientation que le droit peut fournir à la société et en raison du choix de certains individus d’observer les règles de droit, de nombreux conflits possibles sont évités. Ledit choix est guidé en particulier par la conviction personnelle ou par la volonté d’échapper à la mise en œuvre du droit par le système judiciaire. Lorsqu’un litige concret a été tranché par ce système, dans les faits, la seule existence d’un jugement, rendant impossible toute nouvelle discussion judiciaire du même sujet, n’empêche pas les personnes concernées de continuer à défendre une opinion différente. Il n’en demeure pas moins que souvent, ce jugement aura pour effet d’étouffer la discussion sur l’objet du litige et, parfois, même de mettre un terme au conflit sous-jacent. Dans cette mesure, la mise en œuvre du droit peut calmer la situation concernée. Cela étant, les règles légales sont en principe générales et abstraites et leurs conséquences ne peuvent normalement pas être aménagée selon les besoins des personnes concernées dans un cas d’espèce. En ce sens, le schématisme légal baisse les chances que la solution imposée par la loi contribue à apaiser, voire à terminer le conflit en question.
Pendant leurs études, les juristes s’occupent principalement du contenu des règles juridiques régissant les relations sociales et les procédures destinées à réaliser le droit. En d’autres termes, les juristes en formation se penchent pour l’essentiel sur les solutions que « le législateur » ou, dans le cadre de la loi, des personnes privées (dans des contrats, testaments, etc.) ont prévues pour des conflits déterminés. Il s’agit surtout d’interpréter (i.e., de comprendre) et de concrétiser ces solutions, qui sont une sorte de recette de cuisine fixe, et non pas d’explorer et d’analyser la relation sociale qui relie les personnes concernées ni le conflit qui les sépare.
Dans leurs activités professionnelles, les juristes ont affaire aux conflits potentiels (p.ex., lors de la rédaction de contrats et dans la législation) et actuels (p.ex., dans le cadre des conseils et des procès). Qu’il s’agisse de la rédaction de nouvelles normes ou de l’application des dispositions existantes, une bonne compréhension des tenants et aboutissants du conflit en tant que tel n’est pas seulement utile mais tout simplement indispensable. S’ajoute le fait qu’à tout le moins dans les affaires régies par le droit privé, les conflits peuvent être résolus à l’amiable, c’est-à-dire sans que les parties n’aient recours au système judiciaire.
Dès lors, en sus du droit et de son contenu, la formation des juristes doit aussi couvrir le conflit en tant que tel, les rapports entre le droit et le conflit ainsi que les processus de résolution à l’amiable les plus répandus. Entre autres choses, il est important de distinguer entre le simple désaccord et le conflit, le second étant une conséquence possible, mais non pas nécessaire du premier. Il sied également de différencier entre, d’une part, le conflit comme dynamique particulière et globale ayant lieu dans une relation sociale et, d’autre part, l’objet du litige au sens juridique, resp., procédural, qui se limite à certains « faits pertinents » et questions juridiques faisant partie du conflit. En outre, les juristes d’aujourd’hui doivent connaître les méthodes de résolution à l’amiable, surtout au vu du fait que celles-ci suscitent un intérêt toujours croissant. Cela est dû, entre autres, à la rapidité et au coût relativement modeste de ces méthodes, mais aussi à leur potentiel de préserver, voire améliorer, les relations sociales grevées d’un conflit.
Le cours semestriel « Résolution de conflits à l’amiable » porte dans sa première partie sur la théorie du conflit, entendu comme un phénomène social, notamment sur ses ingrédients, ses mécanismes actifs, ses effets, sa dynamique (à savoir : l’escalade) et ses relations avec le droit. La deuxième partie est dédiée aux processus de résolution de conflits à l’amiable, qui ont pour but l’arrangement volontaire des parties. Dans ce cadre sont traités la négociation (en particulier celle « raisonnée » selon les « principes de Harvard »), la médiation (privée et judiciaire) et la conciliation (privée). En outre, l’enseignement traite de la formalisation juridique de l’arrangement, appelé « accord de transaction », ainsi que de deux instruments spécifiques, qui sont mis à disposition par le Code de procédure civile et qui peuvent s’avérer utiles, notamment, dans le cadre de la recherche d’une résolution à l’amiable.
L’objectif du cours consiste à améliorer les connaissances des futur-e-s juristes en matière de conflit, à élargir leur champ de vision et à compléter leur choix d’instruments de travail.
- Enseignant·e: Martin Beyeler
- Enseignant·e: Clea Simon