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Ne pas toucher, s.v.p ! Cette injonction fréquente dans nos musées est révélatrice de l’oculocentrisme qui affecte notre rapport à l’art. Elle nous fait parfois envier, en fantasmant, le privilège dont jouissent les conservateurs gantés, seuls autorisés à manier l’objet après l’artiste qui a donné la « touche finale ». Mais un tel oculocentrisme engendre des biais préjudiciables à l’analyse de la production artistique de l’époque moderne, où nombre d’objets étaient pensés pour être appréhendés avec les mains: gravures, tavolette, osculatoires, médailles, portraits miniatures, carafes, encensoirs, rosaires, etc. Leur destination ultime est la manipulation, au sens premier, strictement haptique, du terme manipulare (en latin : actionner, conduire par la main). La peinture et la sculpture de maître ne sont pas en reste, puisque le collectionnisme de la Renaissance allait de pair avec une gestuelle de possession et de monstration ; on a suggéré que dans les proto-musées de la première modernité « être invité à contempler une collection d’objets d’art et ne rien toucher aurait été aussi impoli qu’être invité à manger et ne pas toucher à la nourriture » (Constance Classen). Le séminaire souhaite approcher la production matérielle concernée en questionnant son rapport intime au corps. On suivra l’ordre des opérations tactiles susceptibles d’entrer en jeu : ouvrir, balancer, renverser, caresser, embrasser, jouer, porter, vêtir, égrener, etc. L’agentivité des objets y sera envisagée selon une approche bifocale à mi-chemin entre histoire de l’art et anthropologie de l’image.

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